Par Mariano Garcia de Palau
Né à Barcelone le 17 février 1956, il est diplômé de Médecine et Chirurgie de l'université de Barcelone en 1979. Pendant 38 ans, il travaille comme médecin urgentiste dans le domaine de la médecine du travail. Son intérêt pour le cannabis est apparu par hasard et depuis une quinzaine d'années il se consacre à l'étude de son utilisation thérapeutique.
Actuellement, il continue de conseiller sur les traitements à base de cannabinoïdes et réalise des travaux cliniques avec des patients, collabore avec différentes organisations et associations, travaille comme consultant principal pour Grupo Curativa Colombia et est membre de l'Observatoire Espagnol du Cannabis Médical.
La maladie d'Alzheimer (ma) est maintenant la cause la plus fréquente de démence, représentant 65 % de tous les cas enregistrés. Elle touche en général les personnes âgées de 60 ans et plus. La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative irréversible qui entraîne, à un rythme variable, une perte des capacités cognitives.
Les caractéristiques cliniques de la MA comprennent la perte de mémoire, en particulier des événements récents survenus au début du développement du processus, ainsi que des altérations des capacités cognitives qui interfèrent avec l'humeur, le raisonnement et l'expression verbale. La maladie se développe furtivement et certains patients atteints de MA peuvent vivre jusqu'à 20 ans après le diagnostic, bien que la durée moyenne de survie soit comprise entre 5 et 10 ans. L'âge est le principal facteur de risque ; à partir de 60 ans, la probabilité de souffrir de cette maladie double tous les cinq ans. Pour cette raison, la MA est considérée comme l'un des plus grands problèmes de santé de notre temps, et elle aura un impact socio-économique croissant au cours des prochaines décennies.
En plus de souffrir de perte de mémoire, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ont souvent des problèmes de communication verbale. Elles sont incapables de s'exprimer correctement, et souffrant d'une réduction de leur vocabulaire. Parmi les autres changements fréquents, mentionnons la désorientation, les changements de comportement, l'insomnie, l'agitation nocturne, c'est-à-dire les altérations du rythme biologique, et la perte d'appétit.
Ces problèmes sont causés par une destruction progressive du cerveau au fur et à mesure que la maladie se propage. D'un individu à l'autre, la maladie d'Alzheimer progresse différemment, même s'il existe des facteurs génétiques et héréditaires quantifiables qui déterminent sa propagation.
Si au cours de ces dernières années, notre compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans le développement de la maladie s'est améliorée, les causes de la maladie restent actuellement inconnues.
Nous savons en résumé qu'une protéine appelée bêta-amyloïde s'accumule dans le tissu cérébral, formant des plaques et des enchevêtrements neurofibrillaires, ce qui conduit à la neuroinflammation et à la toxicité dans le tissu cérébral, entraînant une perte de volume du cerveau en raison de la mort des neurones. Ce mécanisme induit bien évidemment une perte de capacités chez le patient. Au départ, cela tend à se manifester par un effet sur la mémoire. Ce facteur est difficile à évaluer à partir d'un certain âge, bien qu'un certain nombre de tests et de questionnaires offrent un support acceptable lorsqu'on envisage un diagnostic de la maladie d'Alzheimer.
L'arsenal thérapeutique disponible pour le traitement de la MA reste, pour le moment, très limité. Parmi les médicaments les plus couramment utilisés aujourd'hui l'on trouve les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase (donepezil, rivastigmine et tacrine). L'acétylcholinestérase est l'enzyme responsable de la dégradation du neurotransmetteur acétylcholine. L'utilisation de ces médicaments a été justifiée par l'observation que certaines des altérations cognitives, fonctionnelles et comportementales chez les patients atteints de MA peuvent généralement s'expliquer par un déficit cholinergique dans le cerveau. Cependant, d'autres types de thérapie doivent être envisagés pour traiter différents aspects de la maladie. À ce niveau, l'utilisation d'agents capables de moduler le ton endocannabinoïde peut s'avérer importante. Ils comprennent des agents antiglutamatergiques, antioxydants et anti-inflammatoires et d'autres agents utilisés pour traiter certains symptômes de la maladie, tels que la perte d'appétit, les troubles du sommeil et les modifications du comportement.
Bien que l'utilisation de cannabinoïdes puisse être initialement considérée comme contreproductive dans le traitement de la MA, en raison de leurs effets psychoactifs et de leur effet sur la mémoire (considérant que l'utilisation de THC affecte la mémoire à court terme), il existe d'autres aspects de la symptomatologie de la maladie pour lesquels ils peuvent avoir des effets bénéfiques. Citons notamment l'agitation nocturne, sur laquelle le THC et le CBD semblent avoir un effet bénéfique. Leur effet comme stimulant de l'appétit et antiémétique peut également être utile dans le traitement de ces patients.
Des études indiquent que le système endocannabinoïde est directement impliqué dans les processus qui se développent dans le cerveau des patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
Nous pourrions envisager ici l'utilisation de phytocannabinoïdes pour traiter les pathologies de ces patients.
Il existe deux situations dans lesquelles les cannabinoïdes se sont montrés efficaces, la neuro-inflammation et le stress oxydatif, qui conduisent à la neurotoxicité et à la mort des neurones à moyen et à long terme.
Il est également important de se rappeler que les phytocannabinoïdes présentent un faible niveau de toxicité. Cela signifie qu'ils peuvent être utilisés sans risquer l'apparition d'effets secondaires qui pourraient mettre en danger la vie des patients ou créer des situations gênantes. Il convient de souligner qu'aucune intoxication aiguë au cannabis n'a jamais été identifiée comme cause directe de décès.
Les études ont essentiellement porté sur l'application du Cannabidiol (CBD) pour le traitement à moyen et long terme, car il possède des propriétés très intéressantes pour traiter les symptômes de la neuroinflammation présentée par les patients et contrer cette situation.
Nous avons abordé la neuroinflammation, et le CBD est également un anti-inflammatoire efficace dans le Système nerveux central où les processus inflammatoires associés à l'accumulation de plaques et d'enchevêtrements neurofibrillaires génèrent un grand nombre de molécules toxiques pour les neurones. Ces molécules, des radicaux libres, sont toxiques pour les cellules et constituent ce que l'on appelle le stress oxydatif. La capacité à éliminer ou neutraliser ces radicaux libres est cruciale pour l'équilibre des cellules et des tissus, et le CBD fournit également l'effet antioxydant nécessaire dans cette situation.
Des études sont donc en cours sur l'utilisation du CBD dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Cependant, à ce jour, aucun résultat à moyen et long terme susceptible de déterminer l'efficacité de leur utilisation n'est disponible, cette efficacité étant également déterminée par la phase de la maladie dans laquelle le traitement débute.
De nombreux patients présentent des symptômes d'anxiété et à ce niveau-là, l'effet anxiolytique du CBD est utile. Il peut également être utilisé à des doses nocturnes pour induire le sommeil chez les patients atteints de troubles légers du sommeil. Il est souvent nécessaire d'y associer un traitement au THC, afin de traiter l'insomnie ou l'agitation nocturne de certains patients.
Dans de nombreux cas, le CBD contribue également à améliorer les aspects cognitifs. Ces résultats sont quantifiables et ont été confirmés par la famille et les soignants. Certains patients font l'expérience d'une amélioration de l'expression orale, d'une meilleure orientation, d'une meilleure communication avec leur environnement et d'une plus grande stabilité émotionnelle, le tout sans attentes déraisonnables et en relation avec la phase spécifique de la maladie et les circonstances de chaque patient.
Nous pouvons donc nous attendre à des effets à court terme du traitement avec des cannabinoïdes, considérant qu'ils agissent sur la symptomatologie présentée par les patients. Il serait également possible d'agir à moyen et à long terme, de ralentir ou d'arrêter le développement de la maladie. Les études en cours et les essais cliniques réalisés à l'avenir détermineront si les cannabinoïdes font partie de l'arsenal thérapeutique utilisé pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.